Autour de l’humain et du lieu
Michel Leiris, au terme d’un voyage dans les Caraïbes, se demandait si les charmes de ces régions n’étaient pas que « charmes de survivance » ? Il ne donne pas de réponse à cette question fort réductrice.
En Haïti comme à Cuba ou, il y a plusieurs années en Guyane, Jean Louis Saïz produit des séries de photographies improvisées in-situ, là où sont les résidents dont il dresse les portraits. Il saisit le quotidien, souriant ou plus difficile, de peuples splendides, orgueilleux, et leur réalité vive. Comment décrire le commun, ce qui parle du contexte - sites, personnes, activités, objets ou ressenti ?
En oubliant la recherche du spectaculaire, du poncif attendu, touristique ou politique, photo-choc, ethnographique ou sensationnelle, qui fabrique de l’émotion à bon compte. Aller au plus près des visages, des situations, sans fard ni mensonge, dire enfin ce qui en est des esprits, de l’engagement du photographe dans son sujet, mesurer l’action du temps.
Il ne s’en cache pas, ce qui le conduit vers ces pays, ces quartiers populaires, outre l’intérêt artistique et la découverte des êtres, est une quête de ses origines hispaniques et de l’histoire de sa famille.
Ici et ailleurs, partout, il pratique une photographie humaniste qui le porte avec empathie vers les gens, leurs métiers artisanaux et leurs occupations de tous les jours, quels qu’ils soient, où qu’ils soient. Dans la tradition de Robert Doisneau, Willy Ronis, Edouard Boubat, ou plus contemporains, Raymond Depardon et Nicolas Bouvier. Ils partagent une vision essentialiste et lyrique de l’homme qui s’appuie sur l’idée d’une nature humaine universelle. Jean-Louis Saïz prête son regard pour réveiller et ouvrir le nôtre à autrui. L’auteur de ces images n’est pas un ethnologue, qui observe, dissèque, classe et analyse. Il est bien présent, avec force et conviction. Cela se voit dans ce qu’il met sous et dans nos yeux, des images chargées des cicatrices des événements historiques, des pans entiers d’une culture, des étapes des vies normales.
L’artiste respecte et valorise les différences, écoute, s’intéresse au banal et offre une ouverture passionnante à l’ordinaire comme à ce qui ne l’est pas. Ses voyages se dégagent d’habituels stéréotypes
comme l’errance ou le reportage. Il choisit ses destinations, se dissout dans le paysage, n’est pas sur la photo, mais dans la photo, avec les autres, entier. Ses séries ne documentent pas ses voyages, mais sont des portraits. La singularité esthétique de son œuvre s’explique par un positionnement éthique, ces deux termes ensemble alliés dans des rapports où la subjectivité est revendiquée et l’image composée.
Si ses photos sont en couleur, c’est par souci d’une marque supplémentaire de réalisme. On ne voit pas en noir et blanc et les couleurs sont un moyen de rendre le perceptible avec justesse. La signature est affaire de systématicité, l’image se suffit à elle seule, elle comporte les éléments plastiques ou figuratifs qui en font une machine autonome. Intuitions et orientation visuelle, chaque principe fait sens dans une seule direction, et ils se trouvent groupés comme données récurrentes et cohérentes. La place attribuée aux personnes, cette aisance dans la proximité qu’il manifeste, abolit la simple disqualification d’un réel inerte et glacé, tout en favorisant la mise en congruence de la ressemblance des choses avec le vrai, ce qui permet à l’ensemble d’accéder au sens, à sa nature propre. Le style est exercice du regard, opération de reprise et d’aménagement de la matière - êtres, objets, lumière, paysage, œuvre - avec une mise à distance, une réflexion qui aménage l’espace nécessaire à la sélection des composants du contenu et du choix des modalités de l’expression. Jean Louis Saïz ne traque pas le pittoresque mais travaille la présence.
La photographie en tant qu’art et telle qu’il la pratique est un combat pour plus d’humanité. A travers le contact, se joue un effet miroir, des perspectives inenvisagées, puis la réalisation. Trace et effectivité de rencontres dans lesquelles l’artiste impose au final son point de vue, concrétisé dans l’épreuve en résultant.
La richesse de ses tirages et l’émotion qui s’en dégage naît de l’intelligence de sa capacité à établir le contact et des tensions créées entre son projet artistique, le
moment et le lieu. Tout vient de cette interaction,
que seul le photographe maîtrise et qui confère sens et profondeur au visible. L’exigence plastique et le souci de transparence des représentations induisent une superposition simultanée du sujet et de sa reproduction, un effet immédiat d’authentique, appréhension poétique, amicale et sensible des choses. Ceci est particulièrement remarquable dans le cadrage des visages des personnages où le rapport des sujets entre eux semble échapper au photographe qui pourtant décide avec une subtile capacité d’à-propos au moment d’opérer.
Pour Jean Louis Saïz, l’exposition est un espace d’énergie, de volonté civique et d’un imaginaire collectif. Il saisit dans ses images, la force de rencontres désirées. Pour dans cette exposition, deux terres des Caraïbes, Haïti et Cuba.
Les deux îles ont en commun un passé lié à la colonisation, à la déportation et à l’esclavage des Africains, une histoire très mouvementée, où l’oppression, les dictatures, les rébellions et les libérations se sont succédées dès l’origine. Dans ces deux pays, la dimension sociale et la volonté d’autonomie jouent un rôle crucial. La fraternité et l’idéal de résistance y sont des attitudes sociales et idéologiques très valorisées. La lutte pour ces citoyens existe en deux dimensions, politique et morale.
Ce qui diffère d’une île à l’autre est lié aux conditions historiques et géographiques. Haïti a conquis son indépendance en 1804 et en paie le prix aujourd’hui encore. Cuba a fait sa révolution en 1959, île isolée résistant au grand voisin américain et reliée à une immense nation dont l’influence s’étend jusqu’aux confins de l’Orient.
Dans ses deux séries, Jean-Louis Saïz montre des personnages en attente ou en action, ouvriers, pêcheurs et artisans au travail, enfants à l’école ou jouant, femmes au marché ou à la lessive, groupes en discussion. L’architecture est moderniste pour les immeubles de Cuba, plus modeste pour les petites maisons haïtiennes. La poussière et la foule sont omniprésentes, de même que la palette très vive des couleurs, rouges, oranges, verts, bleus sur les marchés, les constructions, les vêtements féminins. Les écoliers sont en uniformes, tous les regards à tous les âges sont frontaux, fiers. Les moyens de locomotion différent, vieilles voitures de
l’époque américaine sous la dictature militaire de Batista à Cuba, aux couleurs rutilantes, contre transports en charrette, brouette ou sur la tête en Haïti.
Ni reportage, ni photographie plasticienne, mais miroir du réel, Jean-Louis Saïz réalise ses portraits en situation dans la surprise des rencontres, des scènes de vie intenses. Parce que la rue, la vérité des existences, la réalité des territoires, le fascinent, ces lieux à la fois étrangers et familiers, grâce auxquels il scrute de près l’ailleurs et lui rend hommage.
Si ces mondes demeurent des énigmes, le photographe y porte son œil aiguisé par la curiosité et la volonté de comprendre et partager ce qui se passe dans l’exil, le métissage et la distance.
Son attention aux villes, aux énergies démesurées, décrivant la beauté jusque dans la saleté et le chaos, la misère et toujours la fierté. Jean-Louis Saïz dénoue les évidences, mobilise les cultures et les êtres, dessine un monde qui déroge aux assignations, libre et puissant. Il représente le brassage des identités contre les séparations abusives. La complexité des relations post-coloniales n’échappe pas à l’artiste qui désigne une forme de résolution dans des lieux métissés de sources multiples dont il accompagne le passage, une voix, un rythme. Le choc des rencontres, l’énergie de ces mondes invente une esthétique dont l’image est le témoin abouti.
Accorder à l’autre le prestige de connaitre d’une multiplicité d’expériences, c’est se libérer, s’évader de ses a priori dualistes (noir-blanc, homme-femme, jeune-vieux...), c’est préférer l’élargissement de la découverte et les nuances de l’interaction aux lieux de figement où l’un parle à la place de l’autre. Tout, dans le rendu de cette entreprise s’emploie à démontrer la justesse de la démarche de dialogue, sans nostalgie, ni idées préconçues ou clichés aveuglants.
Joëlle Busca
Critique d’art et commissaire d’exposition.
Consultante en coopération culturelle pour des organismes nationaux et internationaux, j’ai coordonné (2002-2008) le programme arts visuels d’Africalia (association belge de colloque de Bamako, « Une dynamique culturelle africaine» (2003) et « Repenser la coopération culturelle en Afrique » (2004), aux éditions Docteur en Esthétique et Sciences de coopération culturelle avec l’Afrique) et édité à la suite de l’art (Sorbonne Paris contemporain africain : entre colonialisme et post-colonialisme.

 AUTEUR - ARTISTE- PHOTOGRAPHE 
40 ANS d’expérience dans les différents domaines d’intervention de la photographie : Création, formation, commande et de nombreuses expositions en France et à l’étranger. J’interviens également dans des dispositifs de formation : formations qualifiantes : BAPAAT, BEATEP, DEFA, DEPAD - séminaires de pratiques culturelles dans l’entreprise - formations à visée d’insertion sociale et culturelle pour des jeunes en difficulté dans le cadre des politiques d’éducation populaire - Interventions sur le « Voir », à l’institut des Sciences politiques de Paris en DESS de Sociologie de l’entreprise. - Formations pour le ministère de la Jeunesse et des Sports sur l’image et les représentations - Intervention pour des classes de 1ère et terminale Art plastique au Lycée Frantz Fanon à Trinité, etc.... 
FEMMES SANS ABRIS.Mars 2021 Musée Guauguin au Carbet en Martinique  PORTRAITS DE JEUNES DANS L’ENGAGEMENT: Février /mars 2019 grilles de la préfecture de Martinique SOGARIS: 12 décembre 2017. Installation originale de 60 portraits grand format des employés de la plate forme logistique à Rungis. VIENS VOIR MANA: 6 décembre 2017 Maison familiale rurale installation de 70 photographies dont 15 portraits originaux d’agriculteurs de la commune de Mana en Guyane. DÉCLIC : Avril 2016 . Exposition évènnement 30 portraits de sans domicile en lien avec l’ACISE Samu social présenté au Parc Aimé Césaire FEMME ET ARTISANAT: Pour la Journée de la femme du 8 mars au 30 mai 2016 grand formats de 120x90 le long des barrières de la préfecture de La Martinique à Fort de France. PORTEURS DE MÉMOIRE: Pour le 70 ans de la libérations des camps de concentration Saxenhausen et de Ravensbruck : A la porte royale à la Rochelle en Juin 2015. Jonzac Pour les journées du patrimoine 2017. UN PORT DES MÉTIERS: 25 mai au 20 juin 2014 : Dieppe, Salle Jehan Ango- Port de plaisance. 17 Mai au 24 Juin 2015 Hotel de Région de Haute Normandie à Rouen L’AUTRE VOYAGE: Décembre 1997: à la Cité Internationale Universitaire à Paris Juin 1998: Bourg en Bresse Décembre 1998 : Paulus Kerk, Rotterdam en Hollande Janvier 1999 : Clermont Ferrand Février 1999 : Institut National de la Jeunesse et de L’Education Populaire à Marly le Roy Mars 2000 : Annecy, galerie d’exposition de Bonlieu Décembre : 2000, à l’autre Monde Centre culturel de Villeneuve la Garenne Décembre 2001 : Villeneuve la Garenne, au Nouveau Monde. Novembre 2003 : A l’U.N.E.S.C.O à Paris Octobre 2004 . Centre d’art contemporain « La Charité » de Carpentras . Novembre 2004 : Lycée Alphonse Benoit de L’Isle sur la Sorgue Novembre. 2007 / 2008 aux Champs libres à Rennes. GÉORGIE: Rotterdam à Paulus Kerk, Septembre 2004 Tbillisi . en collaboration avec l’ambassade de Hollande , Novembre 2004 .  PRÉSENCES » : Installation photographique à l’Opéra Bastille de Paris pour l’évènement R.A.R.E en soutien à la recherche sur les maladies rares en avril 2006 . SPORT - CULTURE - INSERTION, QUESTION D’IMAGE » Août 1999 : Université de la Communicationd’Hourtin, Gironde, Inauguration par Madame Trautman, Ministre de la Culture Septembre 1999 : Pontivy, Morbihan, au Château de Rohan Octobre 1999 : Maison des Arts de Créteil Janvier 2000 : Montauban Avril 2000 : Arras LUMIÈRES SUR LE PETIT NANTERRE : Juin 2000 :Hôpital de Nanterre. Février 2003 Mairie de Nanterre PRÉSENTS D’ABSENCE : Mai 1998 : Galerie Boulakia à Paris SAINT LAURENT DU MARONI, PORTRAITS: Mars 1999 : Salle des délibérations de la Mairie de Saint Laurent Juillet 1999: A Macapa, Brésil. FENÊTRE SUR KOUROU : octobre 1999 : à Kourou en Guyane PORTRAITS DE QUARTIER : Juin 1998 : Installation à Cayenne avec la DRAC de Guyane EUROPE INTIME: Mars à Mai 1992: Au Château, Musée d’Art Contemporain de la Ville d’Annecy. Novembre 92 à Janvier 93 : Maison de la Culture de Chambéry Avril 


 BIOGRAPHIE suite
Avril 1993 : Musée de Tulle Juin 1995 : au Ministère de l’Economie et des Finances à Paris Bercy Mai 1998 : Bruxelles au Casc pour le parcours des artistes
PARIS, BERLIN, MOSCOU : Juin 1993 : Palais de la Culture de Volgograd, Russie Janvier 1994 : Château de Glinicke, Berlin, Allemagne Mars 1994 : Peuple et Culture, Paris
MEMORIA D’ITALIA : Octobre 1993 : Villa Médicis, Rome, I Mai 1994 : Festival de Cannes, hôtel Gray D’Albion. Septembre 1998 : Au Latina à Paris.
LE VOYAGE DES COMÉDIENS : Septembre 1994 : Espace Expo installation à Bonlieu Scène Nationale, Annecy.Mai 1984 : Musée Ethnographique de Thessalonique, Grèce . Juillet 1990 : Musée d’Agde dans cadre des Arts au Soleil sous l’égide du Ministère de la Culture, DRAC Languedoc/Roussillon.
LIVRE D’ART
MARRÉ CASTILLA:
 Avec Léon Diaz Ronda , Gravure et Aurélio Diaz Ronda, écriture .
 ABSENTIA: Avec Léon Diaz Ronda, Joêlle Busca, écriture. 

EDITIONS : 
MÉMOIRE, JEUNESSE ET SPORT DE LA MARTINIQUE :120 Portraits des figures du sport et de l’éducation populaire de la Martinique. 
CUBA SI : auto édition 
TRÈNELLE /CITRON : Mise en Lumière. Par les enfants de l’école de Mireille Gallot de Fort de France sous la direction artistique de Jean Louis Saiz et Jean Michel André.
MERCI AIMÉ CÉSAIRE: 2010 à l’Initiative d’Henri Vigana, FONDOK EDITIONS 
CÉSAIRE/FANON « Quand l’image dit les mots » Stage de Réalisation 
DIAMANT « Autres Faces » :
CES GENS LA : Mai 1995 : histoires du logement ordinaire, avec Minelle Verdié, préface de I’Abbé Pierre aux Editions SYROS
Guide JALONS : Septembre 1994 : des outils de prévention des toxicomanies du Ministère de la Jeunesse st des Sports. 
ITINÉRAIRES : Septembre1997 « le voyages entre expérience et formation » Edité par Peuple et Culture. 
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